mardi 20 juillet 2010

Fuji-San

Le 13 juillet dernier nous avons décidé de partir à l'assault du Mont Fuji (3776 mètres d'altitude). Fujisan (Monsieur Fuji) comme les japonais surnomme ce volcan sacré avec respect...
Pourquoi cette date ? Tout simplement parce que notre "guest house" à Tokyo était complète ce soir-là et que nous avions décidé de faire l'ascension de nuit afin d'arriver en haut pour admirer le soleil se lever !

Retour sur cette nuit-là grâce à la mémoire de nos "Moleskine"...

Départ de Tokyo en bus à 17h50 afin de parcourir les 160 kilomètres qui nous séparent de cet énorme volcan.
Début de la randonnée, à la 5ème station, à 20h30, nous sommes à 2300 m d'altitude, tout va bien, le fond de l'air est frais mais le temps est idéal.

Frais comme des gardons au pied du Fuji (20h30)

Plus que 320 minutes avant le sommet...

Au bout d'une heure tombent les premières gouttes, nous ré-ajustons nos k-way et continuons avec entrain, confiants. Le chemin est large, bien balisé, il y a de nombreux randonneurs, visibles comme nous grâce à leurs petites lampes torches.

Peu de temps après, ça commence à se corser...
Il pleut de plus en plus, la pluie s'accompagne de vent, il fait froid et le chemin de sable noir (roche volcanique) se transforme en escalade de rochers. Il faut grimper, s'aider des mains, la roche glisse, la pluie nous fouette...

Vers 23h30 nous commençons sérieusement à avoir froid, nos jeans sont trempés. (Le jean est un des tissus qui, mouillé, est extrêmement désagréable à porter. Il est lourd, colle à la peau et freine nos mouvements.)
Rémy devant l'un des refuges (23h30)

La pluie ne s'arrête pas, le vent redouble d'intensité...
Nous tentons de nous abriter dans un refuge mais, même s'il on paye un café, nous ne sommes pas autorisés à entrer au chaud, ça devient rude...

Il est maintenant plus de minuit, nous avons probablement atteint la 9ème station, il n'en reste plus qu'une avant d'atteindre le sommet à environ 80 minutes de marche. Nous sommes déjà à 3400 m d'altitude, nous grelottons, nos pieds, nos mains, tout notre être est trempé...

Et là, nous avons le choix :
1/ Consommer et rester 15 minutes (400 Yens pour un café, environ 3 euros 50)
2/ Rester une heure pour 1000 Yens (9 euros)
Nous choississons la première option le temps de réfléchir et surtout de se réchauffer.
Mais même abrités du vent et de la pluie nous avons encore froid.
Il n'y a pas de chauffage à l'intérieur et il faut vraiment se forcer à enlever des épaisseurs afin de ne pas risquer d'avoir plus froid en sortant.

Incapables de retourner dans cet enfer nous payons pour une heure. Nous dormons, la tête sur la table, une vingtaine de minutes.
Nous parvenons à gruger quelques précieux instants de sec en nous faisant oublier dans un coin de la pièce et au bout de 1400 Yens chacun et une heure 30 de repos frigorifique nous nous voyons mis à la porte dans le froid, le vent et la pluie.

Nous nous demandons où est passé l'hospitalité japonaise qui ne leur avait pas fait défaut depuis notre arrivée ? Business is business... La nuit coûte 5000 Yens.

Nous sommes à 3400 mètres d'altitude, il est 2h30 du matin et la tempête fait rage.
Bien que la salle qui nous avait abrités n'était pas chauffée, la différence de température avec l'extérieur est terriblement saisissante. Nos habits, mouillés jusqu'aux sous-vêtements, ne nous offrent aucune protection contre le froid. Grelottant, nous nous réfugions aux toilettes.
Nous tremblons comme des feuilles et parvenons difficilement à mettre nos pièces dans la fente (et oui même les toilettes sont à 200 Yens !)
Plus tôt dans l'ascension nous avions déjà fait une pause aux toilettes pour passer quelques minutes à l'abri et le personnel du refuge était venu nous déloger.
Il faut donc prendre une décision rapidement. est-ce que nous continuons dans le froid, trempés jusqu'aux os pour atteindre le sommet, se cailler encore plus une fois la-haut et attendre un lever de soleil sans le moindre intérêt car avec une vue complètement bouchée ?
Est-ce que nous redescendons le plus vite possible afin de retrouver une température supportable ?
Ou bien dormons nous ici, dans le refuge ?

Un couple d'australiens, planqués eux aussi dans ce petit chalet que sont les toilettes, nous informent que le refuge est complet et que le prochain est encore plus cher. OK... Une option éliminée...
Eux, cherchent le chemin pour redescendre le plus vite possible, ils veulent quitter cet enfer.
Nous décidons de partir avec eux car atteindre le sommet ne présente plus aucun intérêt, nous n'y verrons rien de plus et ne ferons qu'accroitre notre état de fatigue et de froid.
Nous ré-ajustons notre équipement trempé et sortons de notre abri de fortune. La tempête n'a pas renoncé et les bourrasques nous arrachent nos capuches dès que nous sommes face au vent. Les rafales de vent rabattent la pluie qui nous fouette le visage.

Nous remarquons comme une farandole de lampes torches qui semble descendre la pente rocheuse. Nous nous approchons des randonneurs qui, en effet, sont une bonne vingtaine à suivre un guide qui les redescend du sommet. Nous intégrons leur chenille lumineuse et amorçons la descente.
Tous japonais, équipés de tenues en Gore-Tex, de batons de marche... Ils semblent avoir lutté pour aller jusqu'où ils sont allés. Cela nous rassure sur notre abandon étant donné la piètre imperméabilité de nos équipements.

Nous quittons finalement nos japonais pour accélérer le rythme. Au bout de 30 minutes, l'une de nos lampes tombe en panne. Nous suivons les australiens en silence, dans le noir et le froid de ce Fuji implacable...
Nous suivons le chemin bras dessus bras dessous, se rattrapant régulièrement pour éviter la glissade, remontons la lampe dynamo toutes les 7 minutes. C'est le moment de réellement prendre son mal en patience, chaque pas nous rapproche de l'arrivée...

Finalement vers 4h00 le jour pointe le bout de son nez, nous sommes presque en bas et la vue est toujours complètement bouchée. Nous sentons à peine le bout de nos doigts. Nos pieds baignent dans nos chaussures. Le bas de nos pantalons est recouvert de poussière de volcan noir et rouge. Nous commençons à reconnaitre le chemin, la 5ème station est proche et la pluie n'a pas cessé de nous humidifier jusqu'à la moelle.

4h30, c'est la fin, nous entrons dans la seule boutique de souvenirs ouverte. Et là nous apprenons que le premier bus pour Tokyo part à 10h du matin ce qui signifie que nous allons attendre plus de 5 heures dans nos vêtements mouillés...

Fatigués, lessivés, nous sortons nos couvertures de survie qui nous réchauffent plutôt bien et découvrons que l'intégralité du contenu de nos sacs est trempé, tout comme nous.

Rémy à l'arrivée, dormant sur la table dans sa chrysalide d'aluminium (8h00)

Poster du Mont Fuji !

Finalement nous dormons quelques heures avant de pouvoir enfin prendre le bus pour Tokyo puis le métro (climatisé !) pour rentrer à notre "guest house".
Il est 13h et elle n'ouvre qu'à 15h ! Coup de bol la terrasse du vendeur de burgers est au soleil et nous nous y installons, dévorons des burgers et vidons à nouveau nos sacs afin que leur contenu prenne le soleil.

15h, enfin se déshabiller, se glisser sous la douche puis sous la couette, quel bonheur !

Nous avons eu la confirmation qu'il n'y avait rien à voir ce jour-là au sommet du Fuji. Les rares qui étaient suffisamment équipés pour l'atteindre n'y sont restés que quelques secondes tellement le froid et le vent étaient repoussants.
Personne n'a admiré le Fuji ce jour-là, il est resté drapé dans sa robe de nuages...

Petit film réalisé à 3400 m d'altitude où l'on ne voit pas grand chose mais où l'on peut entendre le vent...